La greubiche

La Greubiche

J’avais six ou sept ans. Maman étant de santé fragile, nous vivions avec un petit personnel à notre service… laveuse , repasseuse …. Non que nous étions riches mais il fallait bien faire face aux besoins de notre famille nombreuse à cette époque.

Tous les lundis, venait à la maison celle que nous appelions la Greubiche, surnom vraisemblablement sorti de l’imagination fertile d’un de mes frères .

Sa tâche consistait à laver le linge de la maisonnée dans la buanderie adjacente.
Elle y consacrait toute la matinée.

Au déjeuner familial, selon le désir de mon père, elle prenait place à table.

Cette femme avait un don particulier, celui sortir de sa poche un mouchoir parfumé à la violette, parfum qui me soulevait le cœur au milieu de notre déjeuner.

Ma sœur et moi, avions pris l’habitude de prévoir ce moment fatidique et parions a coups de pieds échangés sous la table le moment où il se produirait.

Inévitablement, nos petites jambes d’enfants manquaient leur cible et atteignaient parfois même les jambes de l’intéressée .

La Greubiche regardait mon père et lui signalait notre attitude. Nous devions alors quitter immédiatement la table sans comprendre cette sanction qui nous privait de dessert presque tous les lundis.

Pendant des années, l’odeur de la violette m’a poursuivie et fait fuir.

Aujourd’hui quand je regarde cette timide et délicate fleur me revient en même la présence de la Greubiche à la table familiale et la cruauté de ce jeu innocent de l’enfance.